C’était le temps héroïque où s’étaient distingués des hommes courageux après la première guerre mondiale.
Latécoère un génie qui flairait de loin la possibilité d’adopter les cieux pour rapprocher les continents, ses hommes et ses femmes. Pour vivre harmonieusement le temps de passage sur ce relais terrestre. Il se disait : Pourquoi ces guerres, mon Dieu ? Alors qu’il y a une place pour tout le monde et qu’on peut vivre dans l’égalité, la fraternité sans distinction de couleur et de religion.
Latécoère avait autour de lui, des hommes qui avaient épousés les mêmes sentiments que lui.
Aujourd’hui disparus, mais sont toujours là parmi les vivants dans les livres, les films, dans les musées en tant que Héros. Il y avait beaucoup partis jeunes sans avoir le temps de créer et de laisser leurs propres enfants...Je veux dire des "graines".
Parmi ces héros tels Saint Exupéry, Mermoz, Baylé, Reine, Faure, Guillaumet et d’autres et d’autres nombreux avec leurs amis mécaniciens, Radio, ingénieurs, il y avait des interprètes.
Oui, nous avions un interprète à Agadir qui avait participé honorablement pendant 12 ans pour 6000 heures de vol sur l’aéropostale. Il s’appelle Abdallah Ben Mohamed, originaire d’Ait Baamrane, zone occupée par les espagnols connu sous Ifni.
Un homme de couleur, très intelligent, parlant le berbère sous forme de 2 dialectes, l’arabe, le français, l’espagnol et le Hessani de tout le Sahara.
Il était infirmier avec les pionniers Dr Sallard et Dr Pradel à la kasbah dans le premier et unique dispensaire crée après la prise d’Agadir en 1913.
Il était musicien se servant de l’instrument "Loutar" qui ressemble à la guitare.
Il avait tous les atouts pour partir sur ces avions Breguet 14, une fois sollicité par les pilotes amis des docteurs nommés.
Dr Jean Sallard était le médecin agrée de l’aéropostale à Agadir.
Abdallah savait les dangers probables, mais s’engageait aux risques et périls au nom d’homme courageux et qui voulait participer à l’épanouissement de l’aviation française en tant que marocain, puisque le Maroc est ami de la France.
Ses 12 années de service ne s’étaient pas passées inaperçues. Il était "tombé" du ciel avec ses amis 3 fois ! Il s’en sortait avec des blessures et avait vu certains "frères" (le mot qu’il utilisait) morts. En tant qu’infirmier, il remplissait son devoir.
Ils se retrouvaient des fois après accident en captivité par des méharistes armés et durant des mois, il leur faisait face en utilisant la langue Hessani pour libérer sous caution ses compagnons. Il remplissait là encore son devoir.
Au cours des pannes et descentes forcées en plein désert et durant des jours en attendant le dépannage et les secours, l’interprète à l’abri des ailes du petit avion, sous une chaleur incroyable, utilisait son instrument de musique, dansait et chantait pour que ses "frères" coéquipiers ne se démoralisaient pas. Abdallah remplissait son rôle.
Lors de ses longues prières sur ce sable brûlant, les pilotes lui disaient : Abdallah, pourquoi tu faisais beaucoup de prières ? J’en faisais pour vous aussi ! Et depuis, ils respectaient le temps de sa méditation dans un silence à couper la brume.
Lahsen et le Piper de ARTE
Une fois, le grand héros Saint Exupéry dormait sur les commandes, l’avion avait piqué vers le sol, il l’avait secoué, secoué énergiquement pour se réveiller et redresser tout juste à temps son avion. Mermoz un autre As, ayant appris de son ami pilote ce fait, offre à Abdallah un beau réveil, pour avoir "Réveiller" et sauver la vie à tout l’équipage.
Lors du dernier crash le 26 février 1934 près du cap Juby en plein désert, un mécanicien était décédé, et les 3 autres s’en sortaient avec des fractures multiples.
Lahsen et Vincent lors du tournage.
Abdallah avait eu la tête fracassée, l’épaule droite fracturée lui provocant une paralysée partielle, le pouce de la main droite arraché.
C’était fini pour lui. Pour nous gadiris, pour nos mémoires, cet homme est un Héros exceptionnel des Héros navigateurs. Cet homme mérite un buste auprès des bustes des pilotes de l’aéropostale qui se trouvent dans un grand nombre de musées à travers le monde. Cet homme mérite qu’on parle de lui dans les livres autant que Mermoz, Saint –Exupéry etc... Cet homme mérite que la famille Aéropostale, fils et petits fils, viennent à Agadir rencontrer sa famille. Cet homme et sa famille méritent qu’AIR France fasse un geste pour compenser l’oubli envers un vrai Héros.
AIR France avait pris l’aéropostale en 1933-39, donc Abdallah se trouvait sous la coupe de cette grande entreprise qui fabrique et utilise aujourd’hui l’une des meilleures flottes mondiales. Ce classement n’est pas dû au hasard, mais aux sacrifices de tous les pionniers Héros de l’aéropostale et par un certain Héros Abdallah Ben Mohamed dont la famille habite sobrement une maison-gourbi au village Ben Sergao au lieu d’un logement à hauteur du sacrifice et de l’exploit de Abdallah.
Le fils de l'interprète en blanc entouré de ses fils, raconte ce que son papa lui racontait.
ARTE a demandé à cette famille : Que vous a-t-il légué Abdallah ?
Une sacoche berbère où il mettait son chapelet, son revolver, son poignard et ses papiers, 3 fûts vides de carburants en tant que souvenirs de l’aéropostale 1920-30, une valise en bois de 1925, le métier de musiciens pour ses petits fils, des coupures de journaux froissées où on lit que le maréchal Juin en 1954 l’avait félicité à Casablanca quand il avait participé en tant que l’unique vivant de l’aéropostale et ses exploits dans le film : Le grand Balcon. Abdallah avait pris place au balcon du cinéma dans la rangée des hautes personnalités (une distinction particulière et émouvante). Encore une chose importante : le nom de l’état civil Négrou !
Ce nom lui a été dédié et collé par Mermoz qui avait un pilote très ami qui s’appelait Négrin.
Il lui y avait bien expliqué que ce n’était pas le côté couleur proprement dite mais pour le considérer en amitié et en fraternité au même titre que Négrin, un blond.
Lahsen traduit fidèlement avec émotion, l'épopée de cet homme qu'on ne savait pas.
Et l’argent ? Bein, Abdallah ce héros ne touchait que 425 FR, tous les trimestres de 1934 à 1960 !!! Soit après dévaluation, l’égale de 5 Fr par jour, oui 5 Fr, sans aucune augmentation suivant le coût de la vie…Un oubli total d’un Héros gadiri-marocain-dévoué pour une cause.
Un héritage légué par Abdallah à ses petits fils. Ils ont joué ses refrains, sa mélodie, ses endurances, ses souffrances des années 20-30 et jusqu'à sa mort en 1976, lui qui était né en 1900.
Je remercie vivement mes amis français qui, à travers le site agadir1960, m’ont aidé dans mes recherches sur cet homme.
Parmi ces personnes qui étaient à la Base Aéronavale Agadir : M.Laffrat dit Lemmy (voir son histoire de la base aéronavale d'Agadir), M.Michel Loge (Lire l'hommage qui lui est consacré)
Aussi mes amis, Marie-France Dartois, Régine-Cais, Pierre Le Car, Alexandre Kaladgew, Pierre Perrot du site AmzilAgadir.
Lahsen Roussafi