Agadir: tremblement de terre du 29 février 1960

Le témoignage de Emilio Lopez

Témoignage d'un sinistré.

Le 29 Février 1960 est un jour qui ressemblait aux autres, je me suis levé à 7h du matin, je suis parti travailler comme de coutume et à 17h retour à la maison.

Nous habitions mes parents et moi au rez-de-chaussée d'un immeuble de 4 étages. Chez moi chacun s'est mis à ses préoccupations comme à l'accoutumée , mais cette fois-ci avec une appréhension de peur , car à midi on avait ressenti une secousse légère.

Chez moi tout le monde dormait. A minuit une violente secousse a fait trembler la ville entière et quand je me suis rendu compte de ce qui s'était passé, car ça a tremblé en une fraction de seconde. Je me suis retrouvé par miracle sous l'armoire de ma chambre qui grâce à Dieu elle m'a couvert la moitié du corps. Le reste de mon corps s'est trouvé enseveli sous l'effondrement des 4 étages qui se sont écroulés sur nous.

Heureusement, j'étais conscient mais incapable de bouger. J'ai entendu parler ma mère qui était derrière une cloison car il n'y avait plus de chambre et J'étais là heureux de savoir que ma mère était vivante et on a un peu dialogué.

Le lendemain 1er mars 1960 à midi et demi, des marins pêcheurs nous ont sortis de dessous des décombres ma mère et moi.

Ma mère a été secourue la première , je l'ai vue la dernière fois allongée à côté de moi sur une porte qui lui servait de civière. On a été transportés dans une camionnette jusqu'à la base militaire chacun d'un côté. Et c'est là où j'ai perdu le contact avec ma mère car chacun était transféré vers des destinées différentes.

A 18h30 , j'étais transféré dans un hôpital militaire (Jean VIAL) de Casablanca où j'étais pris en charge médicalement et chirurgicalement jusqu'au mois de septembre 1960, car j'avais les 2 jambes fracturées et les nerfs compressés qui m'ont paralysé les jambes.

De là j'étais ensuite retransféré à l'hôpital militaire Espagnol (Julio GOMEZ ) de Tétouan où je suis traité pendant 2 semaines.

De transfert en transfert je me suis retrouvé à l'hôpital de la Croix Rouge espagnole à Madrid, pris en charge, vu mon état, qui nécessitait des soins plus appropriés car j'avais les deux jambes fracturées et paralysées. Là je suis resté jusqu'au 26 juillet 1961.

A ma sortie de l'hôpital, les médecins traitants m'ont diagnostiqué une paralysie des membres inférieurs définitive, sans espoir de marcher un jour.

Malgré cette longue hospitalisation et des soins de toutes sortes appropriés, et surtout le désespoir de ne plus retrouver mes jambes, je pensais énormément au sort de mes parents, frères et sœurs, dans mes moments de lucidité mais en vain.

J'ai quitté l'hôpital de Madrid et je suis parti chez ma grand-mère à Isla Cristina à Huelva (Espagne).

Armé de ma seule volonté, j'ai entrepris une longue rééducation sur une plage où j'allais quotidiennement avec mes propres moyens , en me déplaçant avec des béquilles. Après 2 ans d'efforts j'ai retrouvé l'usage de mes 2 jambes et j'ai gagné mon pari et tout cela pour pouvoir me déplacer et chercher mes parents dont je n'ai plus aucune nouvelle depuis le séisme.

J'ai tenu à revoir les médecins de l'hôpital de Madrid pour leur montrer qu'avec l'effort et la volonté on atteint des miracles.

Ce sinistre m'a laissé un blocage émotionnel et des blessures corporelles tout le long de ces années, car je suis resté dans le doute et sans nouvelles des êtres qui me sont très chers et qui sont :

Mon père Carmelo LOPEZ âgé de 55 ans
Mon frère José LOPEZ âgé de 24 ans
Ma sœur Carmen LOPEZ âgée de 19 ans
Ma sœur Rosie LOPEZ âgée de 5 ans.

Quant à ma mère, Rosario SILVA Nunez, depuis que je l'ai vue allongée sur une porte qui lui servait de civière, je ne l'ai plus revue.
Car c'est la seule que j'ai vue vivante.
Qu'est-elle devenue?
A cette époque elle était âgée de 48 ans.

Si quelqu'un l'a connue ou a des renseignements sur elle qu'il me fasse signe.


Un sinistré désespéré,


Emilio Lopez