Agadir: tremblement de terre du 29 février 1960

Le témoignage de Claudette Vaquié

Je venais de fêter ma majorité, 21 ans depuis le 10 février. J'étais la petite Française qui était arrivée début décembre à Agadir pour enseigner à l'école musulmane de filles. Je débutais dans cette nouvelle fonction.

Je n'oublierai jamais cette terrible nuit. J'occupais un studio"villa St Léon", proche de l'hôtel Gautier. La secousse de la mi-journée ayant sérieusement fissurée le mur de la classe dans laquelle j'enseignais, j'avais demandé à ne pas rester à l'école pour y surveiller l'étude. J'avais peur !

Certaines personnes ne se sont pas senties menacées, moi, si!

J'étais tellement énervée que je me suis même chamaillée avec mon amie Léa, institutrice à l'école israélite à Inezgane , je crois.( depuis cette date, j'ai oublié certains détails). Je n'ai plus jamais revu Léa .

Ce soir là, malgré tout le travail que j'avais, je n'ai pas pu me concentrer sur la correction des cahiers .Je me suis couchée, après avoir mis mon passeport, sur un tabouret qui me servait de table de nuit."Mon Dieu, protégez moi, s'il doit arriver quelque chose."

Ce sont les mots que j'ai prononcés avant de m'endormir.

Un bruit épouvantable m'a réveillée. Je me suis assise les poings serrés et j'ai crié! Pauvre petite! Seule, loin des siens. Je ne souhaite à personne d'éprouver ce que j'ai ressenti à ce moment là. J'étais paralysée, j'ai alors saisi la lampe de chevet c'est à ce moment là que j'ai été projetée contre le mur, la lampe a explosé, j'ai alors pleinement réalisé ce qui se passait. Je me suis dirigée à tâtons vers la porte que j'ai pu ouvrir ,je n'osais pas avancé ,je ne voyais rien et j'avais du mal à respirer; la poussière entrait dans mon nez, ma bouche c'est alors que j'ai entendu mon prénom : "Claudette!" Ce sont deux institutrices françaises qui occupaient le logement voisin du mien qui s'inquiétaient de ne pas me voir sortir.

Nous sommes restées un certain temps dans la rue attendant de mieux voir pour nous déplacer. Il y a eu un grand silence, c'est alors que nous avons entendu une petite voix: "au secours ! C'est moi Guilaine, je ne peux pas sortir, mes parents sont coincés!"

C'est incroyable! Tout ceux qui étaient là, n'ont plus pensé au risques...il fallait sauver cette petite fille qui jouait souvent près de notre maison. Je ne souviens pas si on a réussi à la dégager, je garde seulement le souvenir de ce petit garçon qui avait le visage en sang et qu'on m'a mis dans les bras, depuis j'ai du mal à supporter la vue du sang.

Je m'appelais Claudette Vaquié et j'étais institutrice à Talbordjt.