Agadir: tremblement de terre du 29 février 1960

Le témoignage de Michel Alhinc


Bonjour Lahcen,
Je ne pense pas te connaître, pourtant nous étions voisins à Agadir, voisins de classe je veux dire!
Mais tout d'abord je voudrais te féliciter pour le travail que tu as accompli autour de ce site magnifique "agadir1960". Je le connais depuis peu mais je me régale quand je plonge dans ces témoignages d'époque.
Mon nom est Michel Alhinc, mon père travaillait au consulat de France, et nous habitions 22 Ave Jules Cambon, l'immeuble que les gadiris appellent aujourd'hui la maison des avocats.
J'avais sept frères et sœurs au moment du TDT, deux étaient rentrés en métropole.
Au moment de la secousse nous dormions, comme la plupart des gadiris.
La maison a tenu, nous sommes tous les sept (avec les parents) sortis sains et saufs du bâtiment.
Mon père qui avait vécu un TDT similaire au Japon a su prendre les décisions qui s'imposaient, c'est à dire nous mettre à l'abri d'une deuxième secousse de l'autre coté de la rue pour attendre les secours.
C'est le Père Dargent, le curé de St Anne qui est passé le premier, ensuite nos amis les Mengual de Tcheira, qui avaient une ferme et chez qui nous nous sommes réfugiés.
Nous étions sous la tente, plus personne ne voulait dormir à l'intérieur tu penses bien !
C'était une grande tente de l'armée Américaine, qui servait à nos familles à passer les week end entier au km 24 quand tout allait bien.
Là en occurrence c'était devenu une tente de la Croix-Rouge, le Dr Gauthier venait de perdre sa femme, et sa fille que j'avais eu comme maîtresse chez Bosc avait la tête enveloppée d'un bandage, son beau fils était indemne.
Il y avait bien sûr nos hôtes et nous même, des amis des Mengual qui comme nous étaient venu se réfugier et dont je ne me souviens pas du nom.
Nous sommes restés 15 jours dans la ferme, a regarder les avions du pont aérien passer au dessus de nos têtes, il faut savoir que Ben Sergao n'était pas loin et juste dans l'alignement du bled, nous montions à la cime des cyprès pour en être encore plus près.
C'est pendant cette période que j'ai eu 14 ans, c'est le seul anniversaire que mes parents ne m'ont pas souhaité je crois !
Mon père et mon frère Jacques se rendaient tous les jours a la BAN, ou en ville, je les ai suivis quelquefois et je faisais le facteur dans la base.
Mon père s'occupait de l'état civil au consulat, ce n'est pas le travail qui lui a manqué quand on a eu besoin de lui.
Nous sommes partis 15 jours plus tard, dans un DC3 militaire qui nous a amené a Casa.
Je suppose que l'afflux de réfugiés a dû surprendre beaucoup de monde, nous étions logés dans un camp militaire de la marine "l'unité marine".
Un mois plus tard nous déménagions encore pour la Croix-Rouge de Salé, nous étions toujours réfugiés mais notre habitation n'était plus précaire.
Ma scolarité a été stoppée net au lycée d'Agadir, j'ai fini en classe du certificat d'étude à Rabat.
Après les examens mes parents ont obtenu les garanties d'un logement en France et nous sommes partis dix ans après être arrivés a Agadir.

Voici mon cher Lahcen, c'est la première fois que j'écrivais mon témoignage, peut être qu'avec ce qu'il vient d'arriver à Haïti tous ces souvenirs avaient besoin de sortir.

Avec toute mon amitié. MICHEL ALHINC