Que se passait-il à la B.A.N il y a 70 ans
Posté : 10 sept. 2014, 09:15
Bonjour à tous,
2014 est l'année des commémorations, d'abord celle du centenaire du déclenchement de la Grande Guerre, et il y a 70 ans, celles du Débarquement de Normandie et du Débarquement de Provence. Que se passait il à la BAN Agadir en 1944, seuls les très vieux Gadiris ont ça dans leurs souvenirs, car l'histoire de la BAN a toujours été plus ou moins mêlée à celle de la ville, très petite à l'époque ; avant que l'année ne s'achève, voici pour les plus jeunes un petit rappel des faits marquants dans le domaine militaire.
En janvier 1944 la BAN venait tout juste d'être créée par l'Aéronautique navale, le terrain de Ben Sergao était alors partagé entre l'armée de l'Air, qui en fut le premier utilisateur, l'Aéronavale et les Américains. Sous l'autorité de ces derniers, une intense activité régnait, celle des décollages et des atterrissages des avions patrouilleurs qui assuraient la protection des routes maritimes empruntées par les convois de cargos alliés. Il était en effet vital de permettre à ces navires d'assurer l'acheminement des matériels nécessaires à la poursuite de la guerre, depuis les Etats Unis jusqu'à l'AFN et la Méditerranée. Car en 1944, aucun port européen n'était encore capable de les accueillir, et bien qu'amoindrie, la menace représentée par les sous marins allemands, les U-Boote, était toujours présente au large des côtes marocaines.
Avec celle de Port Lyautey, la base d'Agadir servait de plateforme de départ des avions patrouilleurs américains et français, qui sans relâche, escortaient les convois. Elle avait été choisie pour étendre la protection dans la zone des Canaries , permettant ainsi d'assurer une couverture continue jusqu' aux approches de Gibraltar. Les appareils étaient des Consolidated PBY-5A Catalina et des Lockheed PV-1 Ventura, choisis pour leur rayon d'action et leurs moyens de détection, ces longues missions au dessus de l'océan, atteignaient et pouvaient même dépasser 14 heures de vol par jour, car la vitesse des navires, la plupart des cargos Liberty Ship, était lente ; quand les équipages fourbus rentraient à Ben Sergao, d'autres prenaient aussitôt la relève.Pour ceux qui veulent en savoir plus sur ces appareils, voici des liens.
Le Ventura : http://www.ffaa.net/aircraft/ventura/ventura_fr.htm
Le Catalina : http://www.ffaa.net/seaplanes/catalina/catalina_fr.htm
Zone de travail des avions patrouilleurs, la route des convois passait entre Madère et les Canaries, d'autres arrivaient par les Açores, la position d'Agadir était donc idéale pour assurer les patrouilles dans le Sud de cette zone. Plus au Nord vers les Açores, la surveillance en plein océan était assurée par des quadrimoteurs Liberator B24 de l'Air Force et des B24 de l'US Navy P4Y-1 basés à Port Lyautey.
Trois sous-marins furent coulés cette année là ; le 24 février 1944, alors qu’il tente de forcer la barrière, le U-761 est détecté par l’un des deux Catalina d’une patrouille, l'avion marque aussitôt l’endroit avec un fumigène et commence à tourner en cercle autour du marqueur, bientôt rejoint par l’autre appareil qui se place à l’opposé sur le même cercle. Dès que l'un d'eux est au dessus de la cible, il lâche une salve de rétro bombes sur le U-boot. Le submersible est alors pisté jusqu'à l’arrivée d’un Catalina britannique du squadron 202 et d’un Ventura du VPB-127 d'Agadir. Dès que le U-761 fait surface, le Ventura largue des charges de profondeur sur celui-ci . Le sous marin est finalement achevé à la grenade sous- marine par les destroyers britanniques HMS Anthony et Wishart, et ses 51 hommes d’équipage récupérés. Le 16 mars 1944, la victime est cette fois le sous-marin U-392 coulé par le HMS Affleck guidé par un Catalina et le 15 mai 1944 c’est le tour du U-731, qui pisté par des appareils américains, est envoyé par le fond par HMS Kilmarnock
Ces missions comportaient évidemment des risques, quand un U-Boote faisait surface il ripostait parfois au canon sur les appareils, la photo ci dessous montre un Ventura de l'US Navy avec des impacts d'obus sur le fuseau moteur.
Sur le terrain d'Agadir, un Ventura américain avec les impacts de projectiles d'un U-Boote (US Navy)
Un Catalina 6FE et son équipage à Cognac (ARDHAN
Sur le terre plein de la BAN, des mécaniciens de la 6FE sont au travail sur un moteur de Ventura, au second plan on voit des Catalina devant le bâtiment des flottilles. (ECPAD)
Au mois de juillet 1944, des appareils furent envoyés d'Agadir en Corse pour procéder au déminage des côtes de Provence et d'Italie, en vue du débarquement. Des avions bombardiers SBD, également basés à Agadir et armés par les marins, partirent peu après pour Cognac afin de participer à la réduction de la poche allemande de Royan ; des Catalina les accompagnaient pour assurer le transport et les liaisons. Le rôle de tous ces équipages a été déterminant pour le bon acheminement des renforts qui permirent la victoire de 1945, la plupart de ces hommes n'avaient revu la France depuis quatre ans, parmi eux se trouvait le pilote Jacques Larivière, bien connu par la suite par les Gadiris, comme coureur automobile.
In memoriam
Pendant ces opérations, les flottilles françaises, eurent à déplorer deux accidents mortels. Le 23 juin 1944, au cours d’un vol d’entraînement à basse altitude au large d’Agadir, le Catalina F-34 de la flottille 6FE se casse en deux à l’amerrissage, provoquant la disparition de cinq membres d’équipage, le SM radio volant Devernine, le SM pilote Jean Hubin, le QM mécanicien volant Roger Madec, le SM pilote Louis Rubaud et le QM mécanicien volant Jean-Louis Nézou.
Le Catalina F-34 sur la piste d'Agadir avec un pneu crevé peu avant sa disparition, les traces d'huile sur la coque, témoignent de l'emploi intensif de l'appareil.
Le 19 juillet, au retour d’une mission de surveillance en mer, dans l’impossibilité de regagner Agadir à cause de la mauvaise visibilité, et à court de carburant, le PBY-5A Catalina n° F-35 de la flottille 6FE est contraint d’amerrir de nuit au large de Safi. L’appareil se casse en deux au contact de l’eau, entraînant la disparition de l’équipage, composé de l’Aspirant de réserve Yvon Ducrest, du LV pilote Roger Jacquemin, chef de bord, du Mt pilote Emile Poplimont, du QM mécanicien volant Fernand Lecordier et du Mt radio volant Camille Ybert.
2014 est l'année des commémorations, d'abord celle du centenaire du déclenchement de la Grande Guerre, et il y a 70 ans, celles du Débarquement de Normandie et du Débarquement de Provence. Que se passait il à la BAN Agadir en 1944, seuls les très vieux Gadiris ont ça dans leurs souvenirs, car l'histoire de la BAN a toujours été plus ou moins mêlée à celle de la ville, très petite à l'époque ; avant que l'année ne s'achève, voici pour les plus jeunes un petit rappel des faits marquants dans le domaine militaire.
En janvier 1944 la BAN venait tout juste d'être créée par l'Aéronautique navale, le terrain de Ben Sergao était alors partagé entre l'armée de l'Air, qui en fut le premier utilisateur, l'Aéronavale et les Américains. Sous l'autorité de ces derniers, une intense activité régnait, celle des décollages et des atterrissages des avions patrouilleurs qui assuraient la protection des routes maritimes empruntées par les convois de cargos alliés. Il était en effet vital de permettre à ces navires d'assurer l'acheminement des matériels nécessaires à la poursuite de la guerre, depuis les Etats Unis jusqu'à l'AFN et la Méditerranée. Car en 1944, aucun port européen n'était encore capable de les accueillir, et bien qu'amoindrie, la menace représentée par les sous marins allemands, les U-Boote, était toujours présente au large des côtes marocaines.
Avec celle de Port Lyautey, la base d'Agadir servait de plateforme de départ des avions patrouilleurs américains et français, qui sans relâche, escortaient les convois. Elle avait été choisie pour étendre la protection dans la zone des Canaries , permettant ainsi d'assurer une couverture continue jusqu' aux approches de Gibraltar. Les appareils étaient des Consolidated PBY-5A Catalina et des Lockheed PV-1 Ventura, choisis pour leur rayon d'action et leurs moyens de détection, ces longues missions au dessus de l'océan, atteignaient et pouvaient même dépasser 14 heures de vol par jour, car la vitesse des navires, la plupart des cargos Liberty Ship, était lente ; quand les équipages fourbus rentraient à Ben Sergao, d'autres prenaient aussitôt la relève.Pour ceux qui veulent en savoir plus sur ces appareils, voici des liens.
Le Ventura : http://www.ffaa.net/aircraft/ventura/ventura_fr.htm
Le Catalina : http://www.ffaa.net/seaplanes/catalina/catalina_fr.htm
Zone de travail des avions patrouilleurs, la route des convois passait entre Madère et les Canaries, d'autres arrivaient par les Açores, la position d'Agadir était donc idéale pour assurer les patrouilles dans le Sud de cette zone. Plus au Nord vers les Açores, la surveillance en plein océan était assurée par des quadrimoteurs Liberator B24 de l'Air Force et des B24 de l'US Navy P4Y-1 basés à Port Lyautey.
Trois sous-marins furent coulés cette année là ; le 24 février 1944, alors qu’il tente de forcer la barrière, le U-761 est détecté par l’un des deux Catalina d’une patrouille, l'avion marque aussitôt l’endroit avec un fumigène et commence à tourner en cercle autour du marqueur, bientôt rejoint par l’autre appareil qui se place à l’opposé sur le même cercle. Dès que l'un d'eux est au dessus de la cible, il lâche une salve de rétro bombes sur le U-boot. Le submersible est alors pisté jusqu'à l’arrivée d’un Catalina britannique du squadron 202 et d’un Ventura du VPB-127 d'Agadir. Dès que le U-761 fait surface, le Ventura largue des charges de profondeur sur celui-ci . Le sous marin est finalement achevé à la grenade sous- marine par les destroyers britanniques HMS Anthony et Wishart, et ses 51 hommes d’équipage récupérés. Le 16 mars 1944, la victime est cette fois le sous-marin U-392 coulé par le HMS Affleck guidé par un Catalina et le 15 mai 1944 c’est le tour du U-731, qui pisté par des appareils américains, est envoyé par le fond par HMS Kilmarnock
Ces missions comportaient évidemment des risques, quand un U-Boote faisait surface il ripostait parfois au canon sur les appareils, la photo ci dessous montre un Ventura de l'US Navy avec des impacts d'obus sur le fuseau moteur.
Sur le terrain d'Agadir, un Ventura américain avec les impacts de projectiles d'un U-Boote (US Navy)
Un Catalina 6FE et son équipage à Cognac (ARDHAN
Sur le terre plein de la BAN, des mécaniciens de la 6FE sont au travail sur un moteur de Ventura, au second plan on voit des Catalina devant le bâtiment des flottilles. (ECPAD)
Au mois de juillet 1944, des appareils furent envoyés d'Agadir en Corse pour procéder au déminage des côtes de Provence et d'Italie, en vue du débarquement. Des avions bombardiers SBD, également basés à Agadir et armés par les marins, partirent peu après pour Cognac afin de participer à la réduction de la poche allemande de Royan ; des Catalina les accompagnaient pour assurer le transport et les liaisons. Le rôle de tous ces équipages a été déterminant pour le bon acheminement des renforts qui permirent la victoire de 1945, la plupart de ces hommes n'avaient revu la France depuis quatre ans, parmi eux se trouvait le pilote Jacques Larivière, bien connu par la suite par les Gadiris, comme coureur automobile.
In memoriam
Pendant ces opérations, les flottilles françaises, eurent à déplorer deux accidents mortels. Le 23 juin 1944, au cours d’un vol d’entraînement à basse altitude au large d’Agadir, le Catalina F-34 de la flottille 6FE se casse en deux à l’amerrissage, provoquant la disparition de cinq membres d’équipage, le SM radio volant Devernine, le SM pilote Jean Hubin, le QM mécanicien volant Roger Madec, le SM pilote Louis Rubaud et le QM mécanicien volant Jean-Louis Nézou.
Le Catalina F-34 sur la piste d'Agadir avec un pneu crevé peu avant sa disparition, les traces d'huile sur la coque, témoignent de l'emploi intensif de l'appareil.
Le 19 juillet, au retour d’une mission de surveillance en mer, dans l’impossibilité de regagner Agadir à cause de la mauvaise visibilité, et à court de carburant, le PBY-5A Catalina n° F-35 de la flottille 6FE est contraint d’amerrir de nuit au large de Safi. L’appareil se casse en deux au contact de l’eau, entraînant la disparition de l’équipage, composé de l’Aspirant de réserve Yvon Ducrest, du LV pilote Roger Jacquemin, chef de bord, du Mt pilote Emile Poplimont, du QM mécanicien volant Fernand Lecordier et du Mt radio volant Camille Ybert.